CRITIQUES DU JOURNAL LE MONDE SUR NOTRE DEMARCHE: NOTRE REPONSE

J’ai découvert avec surprise il y a quelques jours que Compétences du 21ème siècle, l’association dont je suis présidente, était citée par le journal le Monde dans le supplément l’Epoque (Cahier du Monde n°23862 en date du dimanche 26-lundi 27 septembre 2021).

Voici le titre et l’accroche de cette chronique signée par Nicolas Santolaria:

« PARENTOLGIE : FAUT-IL (VRAIMENT) PREPARER SES ENFANTS AUX JOBS DU FUTUR ? 

Booster le futur CV de son enfant en l’inscrivant à des ateliers lui permettant de développer sa créativité, ses capacités de communication ou son autonomie ? Mais laissons donc le monde de l’enfance à l’écart de la pensée managériale ! »

Plus loin, on peut lire:

[…] « Si l’acharnement à transformer les enfants en pur-sang de la réussite scolaire ne s’est pas véritablement démenti, les parents ont désormais un nouveau cheval de bataille : les « soft skills » ».

Je suis d’accord : nous, parents d’aujourd’hui, en faisons un peu trop pour pousser nos enfants tels des « pur-sang », au nom d’une certaine idée de la réussite professionnelle. Il est essentiel de laisser à nos enfants du temps pour rêver, s’ennuyer, s’amuser, du temps pour être des enfants tout simplement.
En tant que parent, je comprends aussi qu’on puisse s’inquiéter ou s’agacer de voir le vocabulaire du monde de l’entreprise arriver dans le monde de l’éducation.

Les compétences que l’article cité désigne sous le terme de « soft skills » sont cependant bien plus que des compétences précieuses professionnellement. Elles sont aussi et surtout des compétences de savoir-être qui aident à s’épanouir dans une vie aussi bien personnelle que professionnelle.
Quels parents nieraient qu’ils souhaitent avant tout voir leurs enfants devenir des adultes épanouis?!
Et si en plus, l’éducation aux « soft skills » contribue à leur réussite scolaire et à leur future réussite professionnelle, on aurait tort de s’en priver, non ?

« La nouvelle attention portée aux « soft skills » procède d’un constat qui se voudrait sans appel (appelez ça une idéologie, si vous voulez) : dans un horizon plus ou moins proche, la technologie, au travers de l’intelligence artificielle, de la robotique ou de la réalité virtuelle, va rendre un nombre incalculable de jobs inutiles ». […]

« Ces savoirs doux figurent cet antidote fantasmatique à la mécanisation du monde […] »

On peut discuter les chiffres exacts mais toutes les prévisions s’accordent : une large majorité des emplois qu’exerceront les écoliers d’aujourd’hui, n’existent pas encore. La disparition prévisible de nombreux métiers du fait des avancées technologiques n’a rien d’une « idéologie », c’est déjà une réalité. Et les aptitudes comportementales ne sont pas une « antidote » à une situation empoisonnée ; elles sont de beaux atouts qui permettront à nos enfants d’exercer des métiers qui mobiliseront leurs compétences les plus humaines.

Malheureusement, les « soft skills » ne se développent pas toujours complètement naturellement, spontanément et dans la même mesure chez les gens…
Pensez à votre patron et sa dernière remarque cinglante sur votre travail. Pensez à votre petite dernière revenue en larmes de l’école après des mauvaises blagues sur ses nouvelles lunettes. Pensez à votre ado en permanence mal luné ( vous n’en pouvez plus qu’il plombe l’ambiance à la maison avec ses hormones). Toutes ces situations résultent en grande partie d’une mauvaise maîtrise du « soft skill » qu’est la communication. Votre patron n’a pas su faire son feedback avec tact, votre fille n’a pas su renvoyer une flèche verbale à ses camarades pour se défendre, votre ado n’a pas su exprimer son mal-être et vous, votre ras-le-bol. Mon « idéologie » (je veux ici bien accepter le terme) est qu’en développant dès l’enfance les clés d’une communication bienveillante et efficace, les rapports humains seraient plus faciles.

Les « soft skills » sont en chacun dès la naissance, elles sont simplement des petites pousses qui ont besoin d’être arrosées mais qui peuvent aussi être étouffées.
Prenons l’exemple de la créativité. L’article nous dit :

« On se pince néanmoins en découvrant […] qu’un des objectifs affichés de ces formations est d’apprendre aux enfants « à être créatifs ». Ah bon, les enfants ne sont pas naturellement créatifs ? Ne passent-ils pas le plus clair de leur temps à inventer (des relations, des situations, des mondes) lorsqu’ils jouent ? ».

Les jeunes enfants sont effectivement naturellement créatifs mais les recherches scientifiques montrent que la créativité de l’enfant s’affaiblit à partir de 5-6 ans et continuent à décroitre par paliers jusqu’à l’âge adulte. Pour faire simple, en grandissant, nous perdons notre capacité à lâcher-prise et à penser hors du cadre.

L’éducation à certaines compétences (ou à un certain niveau de compétences) nécessitent des professionnels formées à des techniques en particulier. Par exemple, il faut être formé pour former des enfants à la prise de parole à travers l’improvisation théâtrale ou à la gestion d’émotions à travers méditation de pleine conscience.
Mais le développement des soft skills chez les enfants peut (et doit) aussi être nourri par tous ceux qui ont un rôle d’éducateurs auprès des enfants : enseignants, animateurs et aussi …parents.  Selon le dernier point de l’article:

« Cette nouvelle marotte risque, par ailleurs, d’alourdir la charge mentale du parent. »

Fort heureusement (la charge mentale des parents étant effectivement déjà proche de l’implosion), il ne s’agit pas d’une nouvelle marotte. Par le passé comme aujourd’hui, bien avant qu’on leur parle de « soft skills », les parents savaient intuitivement que ce n’est pas idiot d’encourager l’autonomie, la créativité ou la confiance en soi de leurs enfants !

Loin de vouloir culpabiliser qui que ce soit, ces lignes souhaitent encourager tous les acteurs de l’éducation des enfants à poursuivre leurs efforts pour nourrir et faire s’épanouir le potentiel de « soft skills » de nos enfants.

Pour qu’ensemble, parents, éducateurs, acteurs publics  et médias fassions avancer l’idée que l’éducation des enfants au savoir-être est une nécessité.

                                              Caroline Prat, présidente de Compétences du 21ème siècle

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